Lettre de Gien du 12 octobre 1870


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Gien le 12 octobre 1870

Chère amie
C’est avec plaisir que j’ai reçu la réponse que tu m’as envoyée l’autre jour. On me l’a donnée un beau soir à 7 heures au moment où nous allions sonner la retraite du soir dans la ville.
Mais chose qui m’a étonné quand j’ai lu dans ta lettre que tu me disais que c’était de fierté que je n’avais pas été te dire adieu ; tu sais cependant bien que je n’ai jamais craint mes pas quand il s’agissait de toi ; quant à ce que tu me recommandes tu peux y compter.
Je voulais t’envoyer ce que tu m’avais demandé immédiatement, mais le lendemain nous sommes partis à 9 heures du matin pour la forêt d’Orléans ; j’ai beaucoup enduré la soif le long de la route car il n’y avait pas des maisons ; nous sommes arrivés de l’autre côté de la forêt à 5 heures du soir ; tout de suite après notre arrivée je suis parti pour chercher de l’eau il m’a fallu marcher 3 kilomètres pour en trouver. Celle que j’ai trouvée n’était pas claire, mais on la buvait bien tout de même ; ceux qui sont allés d’un autre côté ont trouvé des maisons et ont apporté du cidre. Nous nous sommes couchés dans la forêt. On a pas été mal toute la nuit parce qu’il faisait chaud.
C’est que le lendemain nous avons eu la pluie sur le dos une heure avant de quitter la forêt. Nous sommes sortis de l’endroit où nous avions campé à 8 heures du matin et nous avons eu la pluie jusqu’à 7 heures du soir quand nous sommes arrivés à Gien.
Tant que nous serons à Gien nous ne serons pas mal car les vivres sont à peu près au même prix qu’à Vienne ; seulement on a diminué notre solde de 10 centimes par jour : nous avons eu beau crier, il a fallu y passer.
Maintenant il y a à Gien toute la qualité des restes des régiments Français entre autres que Turco, zouave, infanterie en ligne, infanterie de marins, chasseurs de Vienne, chasseurs à cheval, et artillerie faible car il n’y a que 12 canons.
Lundi et mardi nous avons entendu le canon toute la journée maintenant on est pas sûr des résultats on prétend que les Prussiens sont prêts à rentrer à Orléans. Ici il n’y a plus que notre bataillon de mobile, les infirmeries des régiments qui sont ici sont arrivées ce matin.
Je te dis que je suis en bonne santé et j’espère que ma présente lettre de te trouver de même aussi bien que ta famille. Je t’envoie ce que tu m’as demandé, seulement je ne tiens pas que tu le fasses voir à beaucoup de personnes.
Si tu voulais m’envoyer ta photographie dans ta prochaine lettre, tu me ferais un très vif plaisir.
Voilà tout ce que je te raconte de sérieux pour le moment, mais nous pensons partir plus loin bientôt
Écris moi à Gien ou à la suite du bataillon 4ème bataillon 6ème compagnie de l’Isère, tu peux compter que les lettres se rendent fort bien.
En attendant le plaisir de voir signer la paix pour que je retourne te voir dans ton petit quartier, j’ai l’honneur d’être pour toujours ton fidèle ami qui t’embrasse du fond de son cœur
Roussillon Claude

Ce que tu m’a demandé de Moirou : nous l’avons pas aperçu mais Berger de Chaponnay, mon camarade clairon, m’a dit qu’il avait reçu une lettre de Chaponnay, qu’il avait essayé de passer en Suisse, mais qu’il n’avait pas pu. Maintenant voilà tout ce que je sais de lui.
Tu peux compter sur l’amitié de ton ami qui te dit au revoir.
En allant chercher l’enveloppe de ta lettre, j’ai rencontré Bertrand qui venait de la visite. Il m’a dit qu’il allait à l’hôpital. Je te recommande de ne rien dire à personne de ceci, car ça tiendrait trop ses parents dans l’inquiétude. Et il portait son paquet.

Sylvie Chatelain Mariaux © 2010 - 2024 Mentions légales