Lettre de Gien du 6 décembre 1870


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Gien, le 6 décembre 1870

Je t’écris ces deux lignes pour répondre à ta lettre que j’ai reçue il y a quelques jours, mais que je n’ai pas encore eu le temps de te répondre.
Il y a huit jours lundi passé nous avons mis le sac au dos à 4 heures du matin et nous avons attaqué les Prussiens qui étaient à Mézière et nous les avons repoussés plus loin que Juranville
Je vous promets que il ne faisait pas bon, l’on s’est battu jusqu’à la nuit ; et le soir, pour nous reposer, on nous a fait marcher dans les vignes jusqu’à 10 heures du soir. Il en est mort qu’un dans notre compagnie, il est de Solaize.
Les pertes des Prussiens étaient un peu plus grandes que les nôtres, nous leur avons fait quelques prisonniers et pris une pièce de canon.
Le même soir on nous a fait revenir au même endroit dont nous étions partis pour nous battre. On a encore tiré le canon deux jours après mais les Prussiens n’ont presque rien répondu. Nous étions à xxx Bellegarde.
Ce n’est pas le tout que la bataille, c’est qu’on avait presque tout perdu les vivres et pendant deux jours on n’a presque rien mangé parce que les vivres n’arrivaient pas.
Voilà deux jours que nous avons marché jour et nuit ; du côté d’Orléans les Prussiens avaient pressé l’armée, et de notre côté on nous à fait battre en retraite ; maintenant les ponts sur la Loire sont tous prêts à sauter ; il paraît que les Prussiens seraient rentrés à Orléans l’arme sur l’épaule ; il y en a beaucoup de notre bataillon qui n’ont pas pu suivre, il y en a près de la moitié qui ont pu se rendre au camp où nous sommes maintenant à 2 kilomètres environ de Gien.
Pendant ces deux jours on n’a presque rien mangé parce qu’on n’avait pas eu le temps de faire des distributions de vivres et dans les villages on ne trouvait pas seulement un morceau de pain. Voilà quelques jours qu’il gèle toutes les nuits. La semaine passée, on nous avait fait marcher toute la nuit et nous nous sommes couchés dans la boue et le lendemain elle nous était gelée aux pieds.
Je te promets que voilà quelque temps qu’on nous fait joliment voyager dans ces pays ça me fâcherait pas que ce métier finisse bientôt.
Je t’avais écrit quelques lignes à Bellegarde mais au moment que j’allais finir ma lettre le canon a tiré et l’on a crié « Aux armes ! », je n’ai pas retourné avoir un moment pour t’écrire mais tu peux croire que j’y pensais plus d’une fois par jour. Il y a quelques jours on nous a lu une dépêche qui nous disait que l’armée de Paris était sortie, qu’elle avait remporté trois grandes victoires, c’est toujours la même chose on n’y comprend rien de battre en retraite de cette manière.
Tu peux compter que je te serai toujours fidèle, mais si tu ne l’étais pas envers moi, je serai obligé de faire comme toi, mais chose qui me fâcherait beaucoup si cela arrivait.
Mais seulement tu ne m’envoies pas ce que je croyais qu tu m’aurais envoyé. Je pense que tu ne t’ennuies pas, mais amuse-toi du temps que tu le peux ; mais je t’assure que voilà quelque temps que nous ne sommes pas heureux. C’est ennuyeux pour moi de passer sa jeunesse de la sorte.
Tu diras bonjour pour moi à ton père, ta mère et à ta charmante sœur Suzanne. Voilà tout ce que je te dis pour le moment en attendant le plaisir que je puisse aller te voir, reçois les salutations d’un dévoué ami qui t’embrasse du plus profond de son cœur.
Roussillon Claude

mon adresse à Gien Loiret ou à la suite 4ème bataillon 6ème compagnie garde mobile de l’Isère

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