Lettre d’Uster du 27 février 1871


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Uster, le 27 février 1871,

Chère amie,

Je viens de recevoir ta lettre. Elle m’a bien fait plaisir quand je l’ai reçue et elle m’a rendu bien triste quand je l’ai lue. C’était hier dimanche, nous arrivions de faire la fête, vu que nous avions eu la liberté depuis midi jusqu’à la nuit. Je rentrai content à la caserne mais ta lettre est venue mettre fin à ma gaîté ; s’il me faut rester ici et que la guerre se fasse dans nos pays, sachant tous les maux qu’elle cause, je ne sais pas comment je pourrai faire pour résister à tout l’ennui que ça va me causer ; si je pouvais rentrer en France j’y partirais tout de suite, mais c’est presque impossible.
Tu me demandes si les demoiselles étaient chez eux dans les pays où la guerre se faisait : je ne puis pas beaucoup te renseigner sur cela, mais je puis te dire que l’on n’en voyait que rarement, mais je crois que tu n’auras pas besoin de te déranger, parce que l’on est obligé de traiter la paix.
Hier nous avons été à l’enterrement d’un mobile de notre régiment, c’est le 4ème qui meurt depuis que nous sommes ici. Après nous avons été au café avec les pays ; nous avons causé tout le temps de votre vogue, l’un disait « L’année passée, moi j’étais ici, je faisais ça », l’autre répondait « Moi, je m’amusais bien », mais cette année c’est impossible. Hier il y avait un bal ici, et un beau, mais tu dois bien te penser qu’il n’était pas pour nous.
Je n’ai pas reçu le paquet dont tu me parles sur ta lettre, le comité de Vienne est venu il y a quelques jours ; ils m’ont donné deux paquets, dont l’un des demoiselles chanteuses à Ternay ; il était adressé à moi mais il était pour tous les garçons de Ternay ; et l’autre de mon père. Ils ne m’ont pas parlé d’un troisième. C’est comme tu me dis : si on avait pu recevoir ces paquets dans le mois de janvier ça aurait bien plus fait plaisir que maintenant. Au mois de janvier, je n’avais pas 1 paire de chaussettes aux pieds et maintenant j’en ai 8 dans mon sac. Je te remercie bien de ta bonté, tu le réclameras au comité quand tu iras à Vienne.
Maintenant je ne pense plus aux misères que j’ai endurées, mais je pense en toi et j’espère aller te voir bientôt
Reçois les meilleurs sentiments d’un dévoué ami qui t’aime de tout son cœur,

Roussillon Claude
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