Lettre de Gien du 15 décembre 1870


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Camp de Bourges, le 15 décembre 1870

Chère amie,
J’aurais bien voulu t’écrire plus tôt, mais c’est que depuis que j’ai reçu ta lettre je n’ai pas encore eu un instant. Je t’ai écrit il y a quelques jours à Gien, mais j’ignore si elle t’est parvenue, car je l’ai mis un soir à la poste et le lendemain les Prussiens ont pris Gien. Sur l’enveloppe de la lettre, je te disais que nous partions à l’instant même. En effet, à deux heures du matin, les Prussiens y sont rentrés, mais pas plutôt que nous avons eu passé la Loire le pont a sauté, aussi bien que les autres ponts jusqu’à Orléans.
La veille de notre départ de Gien il s’est bien tiré quelques coups de canon et quelques coups de fusil mais le lendemain ils sont rentrés l’arme au bras comme à Orléans ; on nous a fait remonter la Loire jusqu’à Châtillon. Et le lendemain on est repartis ; l’on nous a fait faire un tour de 40 kilomètres pour venir à Bourges. Dans tout ce temps que nous avons battu en retraite il y a pas la moitié du bataillon qui a pu suivre. Mais c’est que nous avons marché pendant 12 jours presque jour et nuit. Avec la neige qu’il y avait il ne faisait pas bon.
Sur ta lettre que tu m’as envoyée tu me disais que tu t’engraissais ; mais quant à nous c’est souvent qu’on ne mange pas quand on veut : on mange quand on a et quand on peut. Mais quant à moi je suis bien maigre mais cependant je me porte pas mal.
Je voudrais bien pouvoir mieux t’écrire mais le camp est toujours consigné il est impossible de sortir du camp et l’on est obligé d’écrire sur son sac et il ne fait pas bon écrire.
Si les Prussiens ont pris ma lettre, je pense que ça ne te fâchera pas beaucoup car il n’y a rien d’extraordinaire dessus. Je pense que tu me seras fidèle mais dans tous les cas si tu ne l’étais pas ça me fâcherait beaucoup. Mais ne te chagrine pas et amuse toi. Quand à moi ça me fâcherait pas que ça finisse bientôt car c’est ennuyeux de passer sa jeunesse de la sorte.
Voilà tout ce que je te dis pour le moment parce que il faut aller à l’appel.
Tu diras bonjour pour moi à ton père, ta mère et ta sœur.
En attendant le plaisir que je puisse aller te voir, reçois les expressions d’un ami dévoué qui t’embrasse de tout son cœur.
Roussillon Claude

Dans ma lettre que j’ai fait à Gien je t’expliquais les affaires de la bataille de Mézières et Juranville que j’ai assisté.
mon adresse au camp de Bourges : 4ème bataillon 6ème compagnie garde mobile de l’Ysère 18ème corps d’armée Loiret

ps
mais tu ne m’envoies pas ce que j’aurais cru que tu m’avais envoyé et chose qui m’aurait fait bien plaisir. Je ne te dis pas adieu mais au revoir.

Sylvie Chatelain Mariaux © 2010 - 2024 Mentions légales